Tagada, tagada...
La dame là, elle m'a taggé. C'est quoi ça encore ? Moi je pensais que ça voulait juste dire qu'elle m'avait mis dans ses liens. Un truc tranquille quoi. Et ben non. D'après ce que j'ai compris, elle veut que je cause dans le micro devant tout le monde pour dire sept trucs secrets sur moi et refiler le bébé ensuite à sept autres bloggeurs qui n'ont rien demandé (eux non plus) à personne.
Alors j'en vois qui frémissent. Des qui se disent, et merde, c'est pour ma poire, et d'autres qui prient pourvu qu'il pense à moi.
Alors j'ai plein d'options. Soit je me plie au jeu et je vous joue un excellent morceau de pipeau, soit je fais le récalcitrant comme d'habitude et pousse mon cri de guerre : pô dcha Lisette ! en sortant les griffes et retroussant les babines, soit je suis sincère et véritable et je vous raconte des trucs sans intérêt, presque en catimini.
Après une bonne nuit de sommeil (merci Mr Quies) qui a suivi un excellent week-end en Pays de Loire (résumé : rouge, blanc, rosé, plage, zoo, copains, rigolade), je me suis dit que j'allais détourner cette merveilleuse chaine et la rendre plus compatible avec mon éthique (et toc !).
Je vais vous raconter un truc, du vrai, du perso, du à moi.
Et ceusses qui veulent faire la même chose, z'auront qu'à le dire ici dans les commentaires et on ira lire tout ça chez eux. Bien entendu, je compte sur toi, toi et toi (cherchez pas les liens, yen a pas !) pour nous raconter une histoire du même tonneau, ou de celui d'à coté à la limite.
Alors, le contexte... Ca se passe au début des années soixante-dix. Pour les plus jeunes, à l'époque, les salles de classe sentaient encore la craie qu'on faisait crisser sur l'ardoise pour inscrire en cursives le résultat de l'addition que le Maître nous avait demandé. Le Maître... Avec baguette, yeux sévères, voix tonnante et gifle facile. Fallait pas lui en raconter, ou c'était le piquet, la claque, ou la convocation des parents (et donc la claque aussi). 1968 était passé, mais il a fallu attendre encore un peu avant de pouvoir cracher à la figure d'un prof avec le soutien des parents. C'est beau le progrès... Et cette petite histoire, c'est l'histoire de mon premier amour, en CP. C'est-y pas mignon tout ça ?
En ce temps là, les
Poppys chantaient Isabelle, je t'aime. C'était le tube du moment,
la chanson était sur toutes les lèvres, dans toutes les têtes, et aujourd'hui
encore, elle me trotte sur les neurones. Et Isabelle, c'était Elle.
Elle. Brillante élève,
première de la classe, et belle, belle, belle, avec ses longs cheveux châtains,
son allure timide et ses grands yeux de petite fille.
Moi. Brillant élève,
éternel Poulidor du peloton, talonnant ma belle mais ne la rattrapant jamais.
Ma Maman à moi avait pour
son rejeton des vues de réussite sociale immense. Il faut travailler à l'école
pour avoir un beau métier plus tard, martelait-elle. Et quand le classement
mensuel arrivait, elle se tordait les mains de désespoir que je me sois encore fait battre par une fille.
Isabelle partageait la
même table que moi. Au fond, près de la porte, là où l'on range habituellement
les timides et disciplinés, les sérieux et travailleurs. Ceux qui écoutent en
classe et qui ne bavardent pas.
Chaque jour elle était
là, près de moi, attentive et indifférente, pendant que je tentais
désespérément de retenir les galops de mon coeur. Parfois nos coudes
s'effleuraient, parfois nos regards se croisaient, et nous retournions à nos
leçons. Pendant les récréations, nous ne nous mélangions pas. Saut à la corde
pour les filles, billes pour les garçons, deux univers qui s'ignoraient.
Et lorsque le jour du
contrôle arrivait, entre nous, c'était la guerre pour la première place. Mon
honneur et celui de ma famille étaient en jeu. Je devais lui ravir cette place
de premier. Alors, nous dressions entre nous les remparts de nos bras, pour
interdire à l'autre de copier.
Un reniflement. Isabelle
pleurait sur son exercice de mathématiques. Elle était perdue dans les
ensembles, les intersections, et courrait droit à la note infamante. Je tenais
la première place, elle était à moi, enfin !
Elle a levé ses grands
yeux mouillés sur moi.
J'ai enlevé le bras qui
masquait ma copie.
J'ai terminé second.